La rue est calme, il n’y a aucun piéton à l’horizon. Au coin de la rue se trouve un boulevard dont les bordures sont transformées en parking désordonné et gigantesque. Les véhicules sont abandonnés comme dans un film post-apocalyptique. La large route est déserte mais moins silencieuse, on distingue une clameur. BEAUBLANC.
La porte s’ouvre, d’abord le bruit maintenant insensé, étourdissant. Des milliers de voix sans en distinguer aucune. Elles se confondent dans un brouhaha fracassant.
A travers les premières lignes de son roman Playoffs, paru en 2018, François CLAPEAU peint l’amour des supporters pour une équipe, l’amour d’une ville pour un sport et l’histoire qui les unit à jamais. Alors, si Limoges est intrinsèquement lié à l’histoire du basket masculin français, qu’en est-il du basket féminin ? La ville est-elle en mesure d’accueillir un club d’élite ?
Un amour réciproque entre une ville et un sport
Célébration à Beaublanc ! 🌋 pic.twitter.com/Dpyc2o7Lxz
— Limoges CSP (@limogescsp) April 15, 2023
Pour l’amour du maillot
Limoges, milieu du XXème siècle,
Alors que la ville se relève de nombreuses manifestations ouvrières éclatées dans les usines de chaussures et de porcelaines au début de la décennie, les patronages catholiques destinés principalement aux jeunes défavorisés connaissent une grande réussite. Parmi eux, le patronage du centre-ville portant le nom de paroisse Saint Pierre du Queyroix. Ce nom vous évoque quelque chose ? Vous avez raison, en 1929, ce patronage au statut associatif se dote d’une équipe de basket : Le Limoges Cercle Saint Pierre (CSP).
C’est alors que commence la riche histoire d’un club qui entame sa première saison officielle en 1933 et qui continue son essor au fil des années pour atteindre son apogée un soir d’avril. Nous sommes le 15 avril 1993, le CSP est la première équipe française tous sports confondus à remporter une coupe d’Europe. L’impact sur la population est inimaginable, en témoigne le dernier anniversaire fêté en 2023 qui a vu s’enchaîner de nombreuses surprises à l’image du feu d’artifice tiré à la suite du match.
Les gens passent, Limoges reste – Olivier Bourgain
Ainsi, et malgré les nombreuses désillusions que connaîtra, par la suite, le club notamment entre 2000 et 2011, le public ne se détournera pas de son équipe et savourera chaque succès à l’image des deux derniers titres du club en 2014 et 2015. Dernièrement encore, alors que les résultats des limougeauds sont en dents de scie, Beaublanc a accueilli une salle comble de 5300 supporters pour le 113ème classico face à l’Elan Béarnais.
Alors, si à Limoges, la vie se voit en vert et en blanc, se construit au rythme de la balle orange et grandit au côté de son club mythique, le CSP n’est pas le seul club que compte la ville. En effet, au total, ce n’est pas loin de 13 associations (aire urbaine incluse, 8 uniquement pour la Métropole) qui accueillent des milliers de licenciés chaque année. Parmi elles, deux se tournent vers le basket féminin pour atteindre des sommets, le Limoges ABC et Feytiat Basket 87. Présentation de ces deux clubs qui ont l’élite en commun.
L’Elite en commun mais chacun son chemin
Le Limoges ABC, l’histoire pour construire l’avenir
Tout donner pour nos couleurs
Actuellement en Nationale Féminine 1, le Limoges Avenir Basket Club rêve de retrouver l’élite. Oui, vous avez bien lu, retrouver. En effet, en quarante années d’existence, le club a écrit quelques lignes au plus haut niveau français sans pour autant réussir à s’y maintenir.
C’est en 1983 que le club voit le jour sous l’impulsion de Claude Bolotny (Vice-champion de France NM2 avec le Limoges CSP en 1978). Il est alors issu de la fusion entre l’Alouette Saint Vallée et une Union Laïque. Très vite, le club devient exclusivement féminin et gravit les échelons dans le championnat français pour accéder, à la NF1 A (ancêtre de la LFB)* et à la coupe Ronchetti en 1996.
Seulement, la désillusion arrive en 1998 avec l’arrivée de problèmes financiers qui entraîne inévitablement une relégation en NF1 (aujourd’hui LF2)* à l’issue de la saison 2001.
Cependant, le Limoges ABC se structure, tout d’abord avec une École de Basket labellisée en 2000 qui a vu passer une certaine, Tima Pouye de 2008 à 2011. Puis, d’un centre de formation en 2009. Ce dernier s’appuie alors sur un triple projet sportif, scolaire et citoyen. Au fil des années, la formule fonctionne puisque l’équipe U18 France atteint les quarts de finale de la coupe de France en 2021 et l’équipe NF3 une honorable cinquième place en 2023.
Les passerelles avec l’équipe première sont ouvertes et permettent aujourd’hui à cinq jeunes de rentrer dans l’équipe A. En plus de cela, en 2017 et en parallèle d’une école d’arbitrage, l’association se dote d’un pôle mixte handibasket puis d’une section basket santé.
Malheureusement et malgré une solide structure, cela ne suffit pas, pour rester parmi les vingt premières équipes françaises. Après un retour en LFB en 2009, sept années en LF2 et deux descentes, le club se retrouve en NF2 pour la saison 2017/2018, et, s’il remonte aussitôt en NF1, la LF2 apparaît encore loin même si le club continue sa reconstruction et ne perd pas de vue son rêve d’élite.
* La LFB d’aujourd’hui s’appelait NF1 A en 1996. La LF2 s’appelait quant à elle NF1 de 1998 à 2010. Aujourd’hui “notre” NF1 est le troisième championnat français derrière la LFB et la LF2.
Feytiat Basket 87, un destin qui se conjugue au présent
A Feytiat, la construction bat son plein. Une construction vitesse grand V dirigée par les présidents Fred Bolotny (décédé en 2015, fils de Claude Bolotny) puis par Stéphane Serve toujours en poste. Ils font passer le club de l’ombre à la lumière.
Situé au sud-est de Limoges, Feytiat fait partie de l’aire urbaine de la ville (cette aire urbaine est composée de 10 communes).
Fondé en 1967 en même temps que le foyer culturel laïque, ce club mixte grandit progressivement sans commettre de faux pas. En 1988 il accède à la NF4. En 1995, la NF3 lui ouvre les bras et après dix années dans ce championnat, le club scelle sa montée en NF2. Il continue ensuite sa route en NF1 à partir de 2011. Face à cette montée en puissance, le club se concentre sur sa section féminine malgré les bons résultats des garçons (2013 : montée en NM3). Il conserve cependant ses équipes dans une CTC avec le club de Panazol.
Cependant, un grain de sable vient enrayer la machine « des diablesses », celui du covid 19. En 2020, alors qu’elles sont invaincues au championnat, (18 matchs, 18 victoires) elles sont stoppées par l’arrêt total des championnats. Pas de titre, pas de montée en LF2. Ce n’est que partie remise puisqu’en 2022 le club accède pour la première fois de son histoire en LF2 avec de solides intentions.
La figuration n’est pas de mise, puisque les promues réalisent une solide prestation en terminant 3ème de la saison à l’issue de laquelle Cyril Sicsic est élu coach de l’année et Alexa Middleton MVP de LF2 avec 19pts, 4,1 rebonds et 15,8 d’évaluation.
Le centre de formation du club n’a pas à rougir face à celui de son homologue limougeaud. Détenteur des Minimes France durant de nombreuses années (aujourd’hui à L’ASPTT Limoges), Feytiat a obtenu le dossier des U18 France pour l’année à venir, devant le LABC. Ces deux clubs se retrouveront quant à eux en NF3 après l’accession de l’équipe réserve dans ce championnat.
Alors, si la dernière marche est la plus dure à franchir, Feytiat aura-t-il les capacités d’atteindre l’élite ?
Un club d’élite féminin, rêve ou réalité ?
Si Limoges ne manque pas de potentiels clubs pour atteindre la LFB, cela est-il vraiment réalisable ?
C’est une question qu’il est légitime de se poser. En effet, nous l’avons compris, le Limoges ABC a l’expérience du haut niveau et a déjà montré que le club était capable de revenir.
De plus, et pour la deuxième année, le club a noué un partenariat avec son homologue garçon le CSP. Structurellement très proches, les deux clubs ont signé une convention le 1er Juillet 2022 liant les deux associations autour d’une formation de qualité, s’articulant sur une mutualisation des ressources, des actions citoyennes et des projets sportifs.
« Ce partenariat est le fruit de l’union de deux leaders dans leur domaine. Il s’agit d’une dynamique générale qui doit permettre à nos deux structures de s’élever en devenant plus performantes, plus compétentes et donc plus resplendissantes. » – Yves Martinez, président du directoire du CSP
Seulement sur son chemin, Feytiat a activé la marche avant et ne semble pas vouloir se contenter de la LF2. De ce fait, d’un point de vue financier, les deux clubs ont-ils les ressources suffisantes pour survivre séparément au plus haut niveau, étant donné que les deux clubs comptent des partenaires en commun ? C’est une bonne question. Vous pensez alors qu’une fusion serait bénéfique ? C’est une possibilité, bien que cette idée ait été rejetée par les deux clubs il y a quelques années.
Dans quelle salle ?
Aussi, d’un point de vue architectural, certaines limites sont visibles. En effet, lorsque nous évoquons Limoges, nous pensons évidemment au mythique Palais des Sports de Beaublanc et ses 5516 places qui feraient de lui la plus grande salle de LFB devant Bourges et son Prado de 5027 places. Seulement, « le volcan » comme il est surnommé, loue déjà les lieux au Limoges CSP d’une part et au Limoges Handball 87 (évolue en Starligue) d’autre part.
La ville doit alors se tourner vers les salles déjà occupées par les deux clubs féminins, mais là encore des complications sont à noter. En effet, la salle Municipale des sœurs de la rivière, maison des « abécistes » ne répond pas aux normes de la fédération. Entrée indépendante pour les joueuses, hauteur sous plafond minimum, distance de deux mètres entre le terrain et le public, aucun de ces critères n’est respecté par l’édifice qui ne peut être soumis à des travaux (La salle est inscrite au patrimoine et ne peut faire l’objet de modifications et de réparations) .
Ainsi, le club acquiert chaque année une dérogation, qui lui a permis, dans le passé, de jouer en LF2 et aujourd’hui en NF1. Cette dérogation serait-elle suffisante pour la LFB ? De son côté, la salle Roger Couderc de Feytiat, respecte plus de normes mais ne remplit pas non plus la capacité d’accueil conseillé en LFB de 2000 personnes.
Un grand club féminin à Limoges ?
Ainsi, nous pouvons voir que si les deux clubs ont la volonté d’atteindre le haut niveau, la réalisation de ce projet semble plus compliquée. Un club est-il contraint de rester dans l’ombre de l’autre ? Les Limougeauds, amoureux du basket masculin, sont-ils prêts à accueillir et à soutenir une équipe d’élite féminine ?
En attendant d’avoir ces réponses, nous souhaitons une très belle saison aux trois clubs cités dans l’article pour leur championnat respectif de Betclic Elite, NF1 et LF2
Et pour vous quelle ville serait idéale pour accueillir une équipe féminine d’élite ?
Palmarès et histoire
Limoges CSP
- Création: 1929
- Premier championnat: 1933
- 1ère coupe d’Europe: 15/04/1993
- 2004 relégation, pour problème financiers, en NM1
- 2012 remontée en Pro A
- 31/12/2017 : Décès du Président et ancien joueur Frédéric Forte
27 titres dont :
- 11 titres de champions de France
- 6 coupes de France
- 2 titres de champions de France (Pro B)
- 3 coupes Korac
- 2 tournois des As
- 1 coupe des coupe
- 1 trophée des champions
Limoges ABC
- Création: 1983
- Accession en NF1A et coupe Ronchetti: 1996
- Descente en NF1: 2001
- Remontée en LFB et création de centre de formation: 2009
- Descente en LF2: 2010
- Descente en NF1: 2017
- Création du pôle handibasket: 2017
- Descente en NF2: 2018
- Remontée en NF1: 2019
- Création du basket santé: 2023
1 titre de championne de France NF2 : 2018
- Labellisation Ecole de basket: 2000
- Label club citoyen
Feytiat Basket 87
- Création: 1967
- Montée en NF4: 1988
- Montée en NF3: 1995
- Montée en NF2 et NM3: 2005
- Montée en NF1: 2001
- Montée en LF2: 2022
1 titre de champion de France NF1 : 2022
- Labellisation Ecole de basket
- Labellisation Espoir féminin: 2020