Après le départ de Rachid Méziane pour la WNBA, Maxime Bézin est devenu le nouvel entraîneur de l’ESBVA-LM. En ce premier week-end de janvier 2025, il va faire ses débuts sur le banc des Guerrières. Début décembre, quelques jours après sa nomination, il nous a reçu pour évoquer son projet avec le club nordiste, ses ambitions et sa philosophie de jeu. Le Limougeaud sortait d’une expérience au Lille Métropole basket qui s’est mal terminée, puisque le club a disparu à l’été 2024. Il revient au très haut niveau plein d’énergie pour tenter de redresser une équipe nordiste dans le dur, après une première moitié de saison difficile.
Déjà comment allez-vous, parce qu’on vous avait quitté il y a quelques mois avant l’été, après une aventure compliquée du côté de Lille, qui s’est mal terminée après la disparition du club. A titre personnel, comment s’est passé l’été puis les premières semaines de la rentrée ?
Studieuse, un peu reposante malgré tout, parce que ça fait 17 ans que je suis dans le milieu et je n’avais pas eu de vrais temps pendant lesquels j’avais pu souffler un petit peu, les étés avec les équipes de France, l’enchaînement des saisons. Donc j’en ai profité pour passer un peu de temps avec ma famille, me ressourcer. Et puis studieuse, parce que ce sont des temps privilégiés, d’introspection, de travail, de développement, des choses qu’on a peu ou pas le temps de faire au quotidien dans une saison. Donc ça va, plutôt frais et dispo aujourd’hui.
On va parler bien sûr de cette nouvelle, de ce transfert, cette arrivée du côté de l’ESBVA en remplacement de Rachid Meziane, parti du côté du Connecticut Sun en WNBA. Tout simplement, comment ça s’est fait et à quand remontaient les premiers contacts ?
Ça s’est fait assez rapidement, il n’y a pas très longtemps et assez simplement. Le General Manager Christophe Vitoux m’a sollicité pour savoir si le projet pouvait m’intéresser. Le lendemain, je l’ai rencontré avec le président Carmelo Scarna. Voilà, on a échangé par rapport à l’urgence de la situation, même s’il y a un temps de tuilage qui est relativement intéressant entre Rachid et moi, par rapport aux objectifs de fin de saison, par rapport à qui je suis, quel est mon passé, quelles étaient mes volontés également. Et bon, ça s’est fait assez rapidement et assez simplement derrière.
Parce que c’est une de vos particularités aussi, c’est peut-être ce qui a guidé le choix des dirigeants de l’ESBVA, vous avez déjà coaché dans le basket féminin, c’était à Limoges, pendant six ans dans les années 2010 (2011-2017), en LF2. Ça s’était plutôt bien passé avec Limoges. Cette expérience dans le basket féminin, c’est peut-être ce qui a réussi à convaincre aussi les dirigeants de l’ESBVA ?
Je ne sais pas si ce passage à Limoges a été un facteur déterminant pour le board de l’ESBVA. Je pense que les trois dernières saisons à Lille, en tout cas, l’ont été. Je pense que l’expérience en équipe de France U20, également pendant trois ans avec Jérôme Fournier, l’a été. Le fait d’être resté au contact des futures joueuses haut de niveau a peut-être été un atout. Maintenant, je pense que c’est aussi une question de feeling. Je le dis et je le répète, les opportunités, les rencontres. Je ne pourrais pas dire à la place des dirigeants les raisons exactes qui les ont amenés à me solliciter. Mais la finalité, c’est que je suis avec eux et qu’on va essayer de faire du bon boulot tous ensemble.
La Pro B chez les garçons, c’est très prenant en termes de temps, notamment. Comment réussir à garder ce lien avec ce jeu, cette évolution du basket féminin ? Et comment interprétez vous cette évolution du basket féminin qui va dans le bon sens depuis plusieurs années ?
La première des choses, c’est déjà l’équipe de France U20, le fait d’avoir suivi ces différentes générations, trois générations, au quasi-quotidien pour le staff, puisque je montais des outils justement pour qu’on puisse suivre les performances des joueuses pendant les saisons. Donc ça, c’est la première chose. Et la deuxième chose, j’attache une importance particulière au fait de créer des relations avec les gens. J’ai vécu de très belles choses à Limoges, tant sportivement qu’humainement. Je suis resté en contact avec pas mal de joueuses que j’ai pu avoir et côtoyer à Limoges. Et le fait de regarder ce qui se passe le samedi soir, le dimanche, fait qu’on suit un petit peu ce qui se passe. On regarde les matchs qui peuvent être retransmis parce qu’on a cette chance aujourd’hui que le basket féminin puisse être retransmis. Donc on regarde les matchs de haut niveau, on regarde les playoffs, on regarde les finales de Coupe de France. Donc je pense que le contact, il est resté celui-là pour ces raisons-là. Et l’évolution, je ne veux pas genrer le basket. Il y a une évolution dans le basket masculin, il y a une évolution dans le basket féminin. Je pense qu’ils ont aujourd’hui tendance à se rapprocher l’un de l’autre.
L’une des choses qui a fait le succès de Lille ces dernières saisons, c’est, je pense justement, ce regard féminin amené au sein du basket masculin, le fait d’être dans le partage, d’être dans le collectif. Je pense que le basket tend à ça aujourd’hui. Quand on voit Vasilis Spanoulis qui arrive à Monaco et qui dit que le basket n’a pas de stats, ça tend quand même un petit peu à ça. Et puis je pense qu’on peut le voir avec des joueuses comme Dominique Malonga aujourd’hui. On a quand même une dimension athlétique qui a énormément évolué ces dernières années et donc ce basket tend aussi à voir ce qu’on pouvait voir il y a quelques années dans le basket masculin, du jeu d’isolation. Je dirais que les deux commencent à aller un petit peu l’un vers l’autre et je pense que c’est une force d’avoir connu ces deux choses-là. Ça a été une force à Lille et je pense que ce sera une force à l’ESBVA.
L’ESBVA est champion de France en titre, vice-champion de l’Euroleague et sort d’une saison historique. Le club est en difficulté en ce début de saison, alors il y a évidemment des blessés, des joueuses qui sont dans l’acclimatation. Villeneuve est en 2-6 en championnat, au moment où on enregistre cette interview (6 décembre 2024). Quels sont vos objectifs avec l’ESBVA sur cette fin de saison ? Qu’est-ce que les dirigeants vous ont donné comme feuille de route ?
Je pense qu’il y a une chose sur laquelle on s’est rejoint en une fraction de seconde, c’est l’ambition. Villeneuve a une culture de la victoire qui est extrêmement développée. Moi c’est toujours ce que j’ai cherché dans les projets que j’ai voulu mettre en place. Il y a un chemin à parcourir mais le chemin à parcourir il est pour pouvoir aller à la victoire. Donc les objectifs, il y a trois compétitions, c’est d’être ambitieux sur les trois compétitions. Il y a la Coupe de France où on va rentrer en quart de finale. Il y a l’Eurocup avec un tour qui va avoir lieu là sur le mois de décembre et j’espère prolonger sur le mois de janvier. Et ensuite la Boulangère WonderLigue avec une situation comme vous l’avez évoqué qui n’est pas nécessairement évidente à cause des blessures que le club a pu rencontrer sur le début de saison. Mais le club est ambitieux, la volonté est de rentrer dans les six premières places pour pouvoir aller chercher une Coupe d’Europe la saison prochaine.
On sait que sur ce championnat, qui est un championnat extrêmement dense, être dans les six voire être dans les huit amène les playoffs. Après, une fois qu’on est en playoffs, si on est dans la dynamique, une dynamique positive, on peut très bien imaginer aller chercher un titre et ça fait partie des raisons pour lesquelles j’ai signé à Villeneuve. La Coupe de France, c’est quart de finale, demi-finale, finale. C’est trois matchs à aller chercher pour un titre et l’Eurocup, on sait que ces dernières saisons, Villeneuve a un rapport particulier et dans le bon sens du terme avec la Coupe d’Europe. Donc l’idée c’est de continuer en ce sens-là.
Vous arrivez à un moment délicat pour le club suite au départ surprise de Rachid Méziane. Est-ce que justement vous allez être dans la poursuite du travail entrepris par Rachid Meziane, qui depuis quatre ans a vraiment construit quelque chose avec l’ESBVA ? Est-ce que vous voyez déjà des petites choses à améliorer, à peaufiner ?
Alors déjà, on se retrouve dans une situation inédite où un coach part pour une opportunité incroyable liée au travail et aux résultats que Rachid a pu fournir depuis le début de sa carrière et qui a été mis en lumière ces dernières saisons avec les résultats de Villeneuve. Donc ça veut dire que c’est particulier parce qu’on n’est pas dans une situation où une équipe ne fonctionne pas et où il faut arriver, où on peut faire table rase du passé, non. Il y a un état des lieux qui est en train d’être fait, que je commence à faire en relation avec le staff en place, en relation avec Rachid. On a quand même cette chance incroyable d’avoir quasiment un mois entre ma nomination et le départ de Rachid, un mois de tuilage pendant lequel on peut avancer ensemble.
Et ça, c’est quand même un gros avantage, un très très gros avantage. Et après, il faudra que je trouve le bon équilibre entre les repères et les performances de l’équipe puisque l’équipe va quand même mieux aujourd’hui avec trois victoires sur les quatre derniers matchs. Donc trouver l’équilibre entre la performance qui est celle de l’équipe aujourd’hui, les choses qu’il faut peut-être changer, ça l’état des lieux le dira. Et puis amener aussi un petit peu ma personnalité et mon basket. Je pense que le basket est un sport d’adresse, donc de confiance, donc de bien-être. Et ce bien-être, il se retrouve dans tout ce qu’on va faire tous ensemble.
Justement votre basket, le public lillois, le public nordiste le connaît avec votre passage chez les garçons du Lille Métropole Basket. Vous y avez obtenu des résultats, notamment une présence en play-off, des demi-finales de Leader’s Cup. Allez-vous transposer votre modèle à Lille ou cela nécessite-t-il des adaptations ?
Les adaptations, on verra une fois que je serai avec les filles sur le terrain. Je pense que ce sont des choses qui ressortiront avec l’état des lieux. Maintenant, il y a des valeurs, que ce soit le basket masculin, le basket féminin, peu importe, le basket de haut niveau. Il y a des valeurs qui sont communes, le travail, l’exigence, le partage. À partir de là, où que j’aille, ces valeurs seront présentes. Après, dans la modalité de mise en place, on verra exactement comment ça se passera. J’aime le partage, j’aime l’échange, j’aime la transmission. En l’occurrence, ce sont des choses qui transpirent dans mes équipes et auxquelles je tiens. J’espère pouvoir amener ça ou continuer à développer ça au sein de l’ESBVA.
Je trouve que c’est réducteur de genrer le basket
Pour le public qui suit attentivement le basket féminin, qui ne vous connaît peut-être pas précisément, comment définir votre identité, votre philosophie ?
L’émotion, c’est quelque chose d’important. Je pense qu’on fait en partie ce métier-là, ou en tout cas on est arrivé dans ce métier pour ces raisons-là, pour ce qu’on peut vivre tous ensemble, en tant que coéquipier, en tant que staff, en tant que collaborateur, avec les gens qui sont sur le terrain, mais aussi avec les gens qui sont en dehors. Et là, j’arrive à l’ESBVA avec une fan base qui est quand même incroyable, avec « Les Z’Hurlants » (groupe de supporters de l’ESBVA), avec un public qui est présent, qui soutient l’équipe. Et ça, c’est vraiment quelque chose d’extraordinaire. Et ça fait partie de moi. La philosophie dont vous parlez, c’est ça, c’est essayer de véhiculer des émotions en étant impliqué, engagé dans un projet commun. Et ce projet commun, ce n’est pas Maxime Bézin qui va le déterminer. C’est déjà, un, l’entité ESBVA, deux, les Guerrières, parce qu’il n’y a pas ce surnom pour rien, il y a une raison particulière à ça. Et puis trois, ce qu’on va réussir à tisser tous ensemble. Ça ne se fera pas du jour au lendemain, c’est une certitude. C’est l’histoire de l’araignée qui tisse sa toile et qui crée des liens, les fils les uns avec les autres. C’est ce qu’il va falloir qu’on soit capable de faire fin décembre, début janvier.
On l’évoquait un petit peu, mais sur le management, le fait de gérer un groupe, est-ce qu’il y a des différences par rapport à un groupe professionnel masculin, ce que vous avez connu récemment, et féminin, ce que vous allez retrouver, dans la manière au quotidien de gérer un groupe, de gérer peut-être les états d’âme ?
Je ne peux pas dire que ce sera exactement la même chose, parce que non, ce n’est pas la même chose, mais entre la saison 2021-2022 du Lille Métropole Basket et la saison 2022-2023, les choses n’étaient pas les mêmes. Entre la saison 2022-2023 et la 2023-2024, les choses n’étaient pas les mêmes non plus, mais en fait, c’est le propre du travail quand on a de la gestion humaine. Donc moi, mon job, il va être justement de trouver le bon rapport pour pouvoir manager cette équipe-là. Donc oui, il y aura des différences, mais au même titre que Rachid a dû trouver des différences entre la saison 2023-2024 de l’ESBVA et celle de cette année. mais plutôt regarder la singularité de toutes les personnes qui sont en face de nous, que ce soit un homme, que ce soit une femme, peu importe. Ma question, c’est d’essayer de mettre cette personne-là dans les meilleures conditions pour qu’elle puisse performer au service d’un collectif. Donc oui, il y aura des différences. Maintenant, je ne suis pas certain et je pense que c’est trop réducteur de dire que c’est une différence garçon/fille.
Je serai jugé sur notre capacité à gagner
On sent à vous entendre que ça vous manquait de retrouver le sel du haut niveau, de retrouver un groupe, de retrouver le quotidien des matchs. Pour un entraîneur passionné, avoir trois, quatre, cinq mois de coupure, est-ce que ça vous permet de respirer un peu, de profiter aussi des vôtres, de nos proches, ou alors le manque arrive quand même assez vite ?
C’est une excellente question (sourire). Il y a une chose qu’on ne peut retrouver nulle part ailleurs, c’est l’adrénaline. C’est le stress qu’on peut ressentir avant un match important. Et ça, c’est quelque chose effectivement qui m’a manqué et que je suis impatient de retrouver. Maintenant, comme je l’ai dit au début, le fait d’avoir eu du temps pour moi, pour mes proches, parce qu’être coach, ce n’est pas évident, être joueur et ou joueuse, ce n’est pas évident, mais être femme d’eux, compagnon d’eux, c’est encore plus compliqué. Je ne parle même pas des enfants. Donc ces moments-là ont vraiment été privilégiés. C’est ce qui me permet d’être plein d’énergie aujourd’hui et d’y aller avec beaucoup d’envie et beaucoup de confiance. Donc oui, ça m’a manqué. Oui, j’ai profité de ce temps-là, mais je serais content d’aller entendre deux ou trois baskets crisser sur le terrain.
Au-delà de cette pige à l’ESBVA, est-ce qu’un retour dans le basket féminin peut vous tenter à long terme ?
Alors, la première des choses, c’est donc la culture de la gagne, de la victoire à l’ESBVA. Et je serais jugé sur ça, sur notre capacité à gagner, aussi sur notre capacité à bien jouer au basket, c’est une certitude, parce que c’est quelque chose qui me tient à cœur. Mais surtout sur notre capacité à gagner. A partir de là, on verra. Je ne suis pas dupe. Je sais comment est jugé mon métier. Il est jugé par les résultats. Et donc, à partir de là, si je gagne, on verra ce que le club voudra faire ensuite et dans quelle dynamique il voudra s’inscrire. Maintenant, s’inscrire forcément dans un club de haut niveau, c’est quelque chose qui est intéressant pour un entraîneur. C’est une certitude. Une nouvelle fois, qu’il soit dans le basket féminin, masculin, en France, à l’étranger : peu importe. J’aspirais à être à haut niveau, je suis à haut niveau. Et ensuite, en fonction des résultats que je permettrai à l’équipe d’avoir, ou en tout cas que j’accompagnerai une équipe dans certains résultats, on verra de quoi demain sera fait. Mais ma volonté, c’est vraiment d’aller vers le très haut niveau. En tout cas, aujourd’hui, c’est ce qui est en train de se passer et on va travailler pour ça.
Propos recueillis par Thomas Palmier.